Lettre ouverte d'un biffin à M. Madec, maire du 19e
Lettre ouverte à M. Madec maire du 19e et à son équipe socialisante et courageuse.
Repentez-vous Monseigneur !
Nous les biffins et nécessiteux de l’avenue de la Porte Montmartre sommes venus ici dans votre mairie ni pour lancer un appel au secours comme ce fut le cas le 28 janvier 2008 lors du bilan du maire de Paris
M. Delanoë à la mairie du 20e ni un appel à la raison à la mairie du 18e pour la même occasion le jeudi 15/10/2009. Mais tenez-vous bien, c’est pour lancer une accusation suivie d’une condamnation sans appel et sans bénéfice du doute, car ce dernier doit surtout bénéficier aux indigents, aux innocents d’où notre présence, nous sommes venus leur témoigner et réaffirmer notre soutien indéfectible. Ils ne doutent pas de ce qui se trame derrière leur dos dans les salons feutrés des citadelles dans une atmosphère sentant le mépris : l’indifférence et l’insouciance. Un texte et un vœu rédigés par des seigneurs tapis dans leurs fauteuils et languis dans l’inaction. Ce lundi noir 22 mars 2010, l’équipe municipale d’une mairie tenue par une gauche socialisante, insouciante du sort de ses administrés qui sont dans le besoin et la galère, vote un vœu « Bas Belleville ». Sept « considérations » énumérées dignes d’un procès-verbal de cour d’assises dont voici les principales clauses :
- Non-respects du droit et du droit du travail, les enfants, les adolescents, les femmes et les personnes âgées vulnérables sont exposés à des personnes dont le comportement est délictueux et cela est peut-être dû à l’abandon de la police de proximité depuis 2007, sans omettre la suppression programmée de 5 000 postes de policiers d’ici 2011 ;
- Atteinte à la tranquillité des habitants dans les espaces privés (halls d’immeubles) et j’en passe, braquage des commerçants…
Pour commencer, nous vous demandons de reconsidérer vos sept « considérations » et voici pourquoi : d’abord nous ne défendons pas les voyous et les voleurs et nous pensons que toutes ces incivilités et accusations sont en grande partie vraies ; mais le traitement de cet épineux problème ne doit pas être résolu et traité sous un angle politico-politicien et démagogique. Deuxio et droit au but, ce problème existe bien et il faut absolument prendre la bête par les cornes. La démarche engagée par le Sire Madec et ses adjoint(es) aboutira probablement dans une voie de garage et ne fera que déplacer le problème quelques centaines de mètres plus loin et je suis optimiste ; il faut avant tout déchirer le voile du mépris et de l’ignorance, en reconnaissant que sous l’effet de la crise, la précarité n’arrête pas d’avancer sournoisement, ignorant les frontières locales et même internationales. Trouvez une solution à long terme en attribuant à et avec ces petites gens un ou plusieurs emplacements sociaux – ça ne sera pas de trop – afin que ces indigents et ces biffins puissent exercer leur activité en toute légalité sans contraintes, sans peur du gendarme, sans confiscation de leurs maigres trouvailles. Ces pratiques, Sire Madec, sont d’un autre âge et ne vous honorent pas, j’irai même jusqu’à dire, vous discréditent vis-à-vis du reste des habitants et ne vous portent que préjudice et mal considération. Expérimentez un ou plusieurs emplacements, vous et votre équipe vous serez étonnés. Demandez, Sire, le programme à M. Vaillant qui considérait les biffins comme des voleurs de casseroles, vous saurez tout sur l’expérience pilote du 18e menée depuis le samedi 17 octobre 2009. Première du genre en France comme l’a bien souligné et défendu M. Delanoë maire de Paris, en répondant à un habitant lors du bilan 2009 au 18e. Demandez aussi le compte rendu de la première réunion du comité de pilotage du « carré des biffins » du 08/12/2009 et vous serez stupéfait des commentaires des habitants proches du marché de l’avenue de la Porte Montmartre ; toutes et tous louent cette initiative, tout n’est pas idéal mais ce n’est qu’un début. Le miracle est que la police participant à cette réunion dans la mairie du 18e a compris le sens du combat de ces biffins et a demandé même plus d’emplacements et surtout plus d’action sociale pour mieux insérer les biffins qui en ont le plus besoin par le biais de l’association Aurore qui gère le « carré », qui fait ce qui est en son pouvoir et quelquefois plus. Imaginez, Sire, que M. Delanoë et son adjointe Mme Hidalgo ainsi que M. Vaillant et M. Briant, son adjoint chargé entre autres de l’insertion à la mairie du 18e, tous sans exception, ont promis d’étendre l’expérience à d’autres marchés de Paris et de la région. Qu’attendez-vous M. Madec pour prendre les devants ? C’est pour votre bien que je vous demande d’agir vite d’autant plus que la grande majorité de ces vendeurs sont des gens honnêtes préférant fouiller dans les poubelles que sombrer dans la délinquance. Ne les condamnez pas et ne vendez pas votre âme et votre conscience pour une poignée de votants. Donnez-leur un statut légal et un ou plusieurs emplacements définis, ils retrouveront peut-être un jour un peu de respect et de dignité et vous en sauront gré et reconnaissants. La justice et l’humanité peuvent aller de pair et se conjuguer ensemble. Le dénominateur commun doit être la justice pour tout le monde y compris les précaires. Ces gens sont courageux et de mémoire de chiffonniers, je ne connais pas de biffins qui volent les casseroles du moins à ce jour, non plus de pilleurs ou voleurs de poubelles qui s’en goinfrent de poules et autres. Ces gens ont dans leur majorité des familles à nourrir et le peu qu’ils gagnent en biffant ne peut que rapporter un peu de joie et de bonheur à leurs enfants.
Oui, ils sont contents de cumuler ces quelques euros, avec la misère et la privation, ils ne s’en cachent pas, et bienvenue à ces petits euros de plus, contrairement à certains, qui cumulent les mandats électoraux sans se soucier de loin ou de près de leurs proches fragiles et vulnérables. Avez-vous pensé, Sire, à la question ? N’ont-ils pas droit eux aussi à la protection et à l’aide d’autant plus qu’ils ne demandent pas la charité et se comportent en responsables en s’acquittant régulièrement de leurs droits civiques comme tout citoyen qui se respecte. Vous croyez qu’on est à des années lumières de la Cour des Miracles et de la tour de Nesle. Maintenant vous devriez quand même être au courant depuis, que les biffins sont un maillon fort utile et indispensable dans la chaîne de consommation et dans la préservation de l’environnement ; je dis même qu’ils représentent un capital humain précieux à préserver et à protéger ; ils redonnent une deuxième vie à des objets récupérés grâce à leur travail et à la générosité des gens. Rendons leur hommage. Est-ce un crime M. Madec de fouiller dans les poubelles, de recycler et de vendre ??? Ce que je pense et en toute franchise, dans chacun de nous sommeille un biffin : qui n’a pas envie de vendre un jour ou donner quelque chose dont il ne se sert plus ? Qui trouve dans la rue un ustensile ou un objet et passe son chemin sans le ramasser ? Conclusion nous soutiendrons jusqu’au bout, quitte à me répéter, voire harceler et bousculer les consciences, les nécessiteux et les biffins de Belleville et autres. Un soutien indéfectible. Que ce combat pacifique contre la précarité soit mené jusqu’au bout dans la légalité et le respect de tous. Comptez sur nous, Sœur Emmanuelle, nous tenons le flambeau et dans le cadre de la loi de la République nous mobiliserons. Le Cordon ombilical qui lie les biffins à leur cause pacifique ne sera pas rompu. Dormez bien l’abbé et Sœur Emmanuelle et nous vous disons Yallah, l’action qui compte et pas les jérémiades et les complaintes. Je répète c’est l’action dans l’intérêt de tous, oui de tous, sans exception qui prime et avec un peu de poésie permettez-moi de dire que les nuages qui obscurcissent le ciel seront chassés et qu’une ère nouvelle de liberté soufflera sur les marchés de Belleville, de Vanves, de Montreuil sans oublier celui de Saint-Ouen (« Bonjour Mme Rouillon, je pense à vous, la famille s’agrandit et à très bientôt »). Quant aux biffins de l’avenue de la Porte Montmartre même si tout n’est pas rose, ils font tout pour que cette expérience dont ils sont les auteurs réussisse afin qu’elle soit étendue. Nous comptons tous sur le bon sens et rien n’est fini. Je ne suis pas un devin et je ne lis pas dans le marc de café pour annoncer que toute cause juste finira par triompher et que les vrais vaincus seront la misère, l’indifférence et le mépris. Un petit conseil, Sire, si vous le permettez : « Essayez de diversifier un peu votre clientèle. »
Circulez il n’y a rien à voir surtout rien à dire et vive la grande Muette !
Concernant le lundi 22 mars 2010, jour du vote de ce maudit vœu, et après avoir passé le barrage des gardiens de la citadelle municipale du 19e, qui d’ailleurs ont tout fait pour empêcher trois biffins vieux handicapés et dont deux démunis d’assister au conseil « seigneurial », nous avons réussi une pénétration (1) dans la salle du conseil où se dégage une odeur nauséabonde mélangée à une ambiance lourde et malsaine et d’une voix peu rassurante on entend : « Le vote de ce vœu est pratiquement acquis par presque tous même si tout ne sera pas résolu. » Rendons à César ce qui appartient à César, reconnaissons à cet élu son honnêteté ce qui est rare de nos jours. Car le problème sera déplacé quelques centaines de mètres plus loin. C’est-à-dire en haut de Belleville, gauche droite, à vous le choix.
Pourtant on est venu pour protester pacifiquement en espérant un brin d’écoute, empêchés, bousculés et, la cerise sur le gâteau chassés, comme des pestiférés. Le vote de ce vœu est un crime blasphématoire que nous condamnons, il ne fera qu’aviver les passions et accentuer la répression contre les pauvres et ne causera que des dégâts irréversibles ; inquiétude et stress que j’ai subis personnellement, confiscation de mes affaires et objets trouvés comme tous les autres biffins, humiliations endurées et le résultat est là : ulcère de l’estomac et gastrectomie de 2/3 de l’estomac, opération effectuée à l’hôpital Bichat le 23/05/2004 par le docteur Chosidov ; ne m’en demandez pas le numéro du lit s’il vous plaît tout est vérifiable.
Désolé de mêler mon cas personnel mais là l’urne déborde. Malgré tout cela je pose la question à Monsieur, pardon, à Sire Madec : Est-ce que j’ai porté plainte moi, Sire ? Bien sûr que non, cela va de soi.
Les forces de police que vous voulez déployer contre les indigents et précaires ont d’autres missions plus urgentes à accomplir ; elles doivent aller traquer le crime et chasser les vrais délinquants.
Dans le cadre de la loi que nous respectons et dans le respect de tous, un rouleau compresseur sera mis en route contre ces attitudes hostiles aux pauvres et nous promettons un combat pacifique mais ferme et résolu et Yallah.
À tout cœur, Ben le biffin
1 – Pénétration : terme commercial utilisé surtout par les représentants et démarcheurs qui réussissent à rentrer ou pénétrer chez quelqu’un pour lui vendre un objet. Nous ne nous sommes pas déplacés à la mairie pour vendre ou acheter mais pour expliquer et dénoncer pacifiquement le but de notre combat.